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malheur. Vous l’éviterez bien plus aiſément, repliqua malicieuſement Menaſte, en ne ſouffrant plus que Megabiſe vous entretienne, s’il revient jamais icy : & en ne gardant plus dans voſtre cœur, les ſujets de pleinte que vous penſerez avoir l’un contre l’autre. Car je vous aprens qu’en amour un deſpit caché, quelque petit qu’il puiſſe eſtre en ſon commencement, eſt capable de faire à la fin une grande querelle : c’eſt pourquoy preparez vous à croire mon conſeil ; & ſans aprehender la jalouſie d’Aglatidas, ſongez ſeulement à recevoir ſon amour ſans ingratitude : car je ſuis aſſurée que ſa fidélité l’en a rendu digne.

Voila donc, Seigneur, l’eſtat où eſtoient les choſes : Tharpis & Artemon eſtoient amoureux d’Ameſtris, & Anatiſe en eſtoit jalouſe : car effectivement depuis la nouvelle de la mort d’Otane, elle eut touſjours des eſpions, pour obſerver ce que faiſoit Ameſtris, afin de deſcouvrir ſi elle avoit encore quelque intelligence avec Aglatidas. Mais y ayant eu alors quelque remuëment en Medie, dont mon Frere porta la nouvelle à Ciaxare, vous euſtes la bonté, comme vous le sçavez, de choiſir pluſtost Aglatidas qu’un autre pour y envoyer : & vous obtinſtes la choſe du Roy. De vous dépeindre. Seigneur, les impatiences d’Aglatidas pendant ce voyage, il ne me ſeroit pas aiſé : je ſuis pourtant obligé de vous dire, que quoy qu’il allaſt revoir Ameſtris, & Ameſtris en liberté, il ne laiſſa pas de me teſmoigner cent & cent fois, qu’il partageoit avecques moy le deſplaisir que j’avois de m’eſloigner de vous : & le glorieux Nom de Cyrus enfin, & celuy d’Ameſtris, furent les ſeuls qu’il prononça, pendant tout le chemin que nous fiſmes. Par bon-heur pour