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dit Ameſtris, je ne sçay point d’autre reſolution à prendre, que de me remettre abſolument à la conduite des Dieux ſans murmurer contre leur volonté : & de me preparer à une perſecution eternelle : car de vouloir entreprendre de chaſſer la jalouſie du cœur d’Otane, il y auroit de la folie d’y penſer ; puiſque tout ce que j’ay fait ſevere icy ne l’a pû faire.

Voila donc, Seigneur, ce que diſoit Ameſtris, durant que toute la Ville eſtoit en peine du prompt depart d’Otane, & en cherchoit la raiſon ſans la pouvoir trouver. Mais peu de jours apres, la choſe ne fut que trop divulguée : parce que comme la nouvelle qu’il eſtoit gouverneur de la province des Ariſantins, eſtoit allée auſſi promptement en ce Païs-là qu’elle eſtoit venue à Ecbatane ; il y vint des Deputez des principales Villes de ſon Gouvernement croyant l’y trouver : qui aprenant qu’il eſtoit aux champs, y furent pour s’aquiter de leur commiſſion. Mais il ne les voulut pas recevoir ; leur faiſant dire qu’il n’acceptoit pas ce qu’on luy avoit donné. Diverſes perſonnes de qualité de cette meſme province luy eſcrivirent auſſi, ſans qu’il leur fiſt reſponse : de ſorte que ces Deputez eſtrangement ſurpris de ce procedé, repaſſant par Ecbatane, s’en pleignirent, & en demanderent la cauſe, ſans que perſonne la leur pûſt dire. Neantmoins on la ſceut bien-toſt : car Dinocrate l’ayant fait sçavoir à Anatiſe, Anatiſe apres l’apprit à toute la Ville : adjouſtant malicieuſement beaucoup de choſes à la verité, afin de faire croire qu’Ameſtris n’eſtoit pas auſſi innocente qu’on la diſoit : neantmoins quoy qu’elle pûſt dire on ne la creut pas. Cependant Otane qui juſques là n’avoit paſſé que pour un jaloux fort bizarre, commença d’eſtre regardé