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S’il avoit encore eſcrit à Ameſtris ? qu’il luy euſt donné des Pierreries ; & qu’elle de ſon coſté luy euſt reſpondu ; & luy euſt envoyé ſon Portrait : du moins n’y auroit-il qu’un petit nombre de perſonnes qui sçauroient la choſe. Mais en l’affaire dont il s’agit, tout un grand Royaume sçaura, qu’Aglatidas qui n’a point de Gouvernement, au lieu de demander celuy là pour luy, l’a demandé pour un homme qu’il hait il y a longtemps ; & qui a eſpousé une perſonne qu’il aimoit, & qu’il aime encore. Ne faut-il donc pas conclurre apres cela, qu’il a voulu faire dire à tout le monde, qu’il recompenſe le Mary, des faveurs qu’il reçoit de la Femme ? Mais je donneray bien ordre que l’on ne me puiſſe pas accuſer de preferer l’ambition à l’honneur. Croyez moy, luy dit Artemon, que vous hazarderez bien plus voſtre reputation, en refuſant ce Gouvernement, qu’en l’acceptant : Quand cela ſeroit, reprit-il avec une fureur extréme, j’aimerois encore mieux perdre mon honneur, que de recevoir un bien-fait d’Aglatidas. Lors que les preſens de nos ennemis, reſpondit Artemon, peuvent nous empoiſonner, je croy qu’il eſt bon de ne les accepter pas, & qu’il eſt meſme genereux d’aimer pluſtost à obliger ſon ennemy que d’en eſtre obligé : Mais comme le bien-fait d’Aglatidas n’eſt pas de cette nature, & que vous ne pouvez le refuſer de la main du Roy ſans vous ruiner aupres de luy, & ſans forcer tout le monde à ſe moquer de vous ; je penſe, dis-je, qu’il ne faut pas eſcouter la paſſion qui vous poſſede, & qu’il la faut vaincre. Pardonnez moy Otane ſi je vous parle ſi franchement : mais je remarque un ſi grand déreglement en voſtre raiſon, que je