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Pierreries, & le garda touſjours luy-meſme, les revoyant de temps en temps pour voir ſi tout y eſtoit. Il cherchoit ſoigneusement par tous les lieux où il pouvoit s’imaginer qu’elle pouvoit cacher des Lettres : & l’on peut dire que quelque perſecution qu’il luy fiſt ſouffrir, il eſtoit encore plus malheureux qu’elle. Il la regardoit avec des yeux où l’on voyoit ſi clairement ſa jalouſie & ſon inquiétude, qu’elle ne pouvoit pas douter des ſentimens qu’il avoit dans l’ame. Cependant ayant eſté forcé de retourner à Ecbatane pour une affaire importante, il l’y remena, ne voulant pas la laiſſer ſeule en ce lieu là. Car comme il ne sçavoit point avec certitude ou eſtoit Aglatidas, il s’imaginoit touſjours qu’il eſtoit caché en quelque lieu proche, en attendant qu’il quittaſt Ameſtris pour la venir viſiter. Mais en retournant à la Ville, il luy preſcrivit les perſonnes qu’elle y devoit voir : & luy dit que principalement il ne vouloit pas qu’elle viſt beaucoup de ces gens qui n’ayant rien à faire, ſont les Galants de profeſſion : & paſſent toute leur vie de rüelle en rüelle, & de converſation en converſation, à dire à peu prés les meſmes choſes. Ameſtris qui s’eſtoit reſoluë à une patience ſans égale, fit ce qu’il voulut ſans en murmurer : & ne vit meſme Menaſte qu’en ſecret, par le moyen d’Artemon. Mais comme elle ne pouvoit pas faire que tout ce qu’il y avoit de gens raiſonnables à Ecbatane ne priſſent plaiſir à la voir, on la cherchoit aux Temples, on la ſuivoit dans les rués ; & on alloit meſme la trouver chez trois ou quatre Perſonnes qu’il luy avoit permis de viſiter. De plus, comme il y a touſjours des gens qui aiment à ſe divertir eux meſmes, ſans ſonger s’ils nuiſent à autruy : il y eut un