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d’Aglatidas. Je vous laiſſe à penſer ce que cette veuë fit dans le cœur d’Ameſtris : neantmoins comme elle sçavoit bien qu’elle n’eſtoit pas auſſi coupable qu’Otane la croyoit, elle rapella toute ſa confiance : & ſans s’émouvoir extremement, Seigneur, luy dit-elle, il me ſemble que vous avez ſi bien sçeu que feu mon Pere m’avoit commandé de regarder Aglatidas comme devant eſtre mon Mary, que vous ne devez pas trouver eſtrange que j’en aye receu des Lettres. Mais la derniere de toutes, reprit-il, ne ſouffre pas cette excuſe : joint que ſi vous n’avez pas failly en recevant les premieres, vous avez du moins fait une faute irreparable en les conſervant. J’advouë, dit-elle que l’ay failly contre la prudence, de ne les brûler pas dés que je me reſolus à vous épouſer : mais cette faute n’eſt pas ſi grande que vous le croyez. Et pour cette derniere Lettre que j’ay reçeuë, il ne m’a pas eſté poſſible de ne la recevoir point : mais je puis vous aſſeurer que je n’y ay pas reſpondu : & que s’il euſt eſté en mon pouvoir, je l’euſſe renvoyée à Aglatidas. Elle eſt pourtant conceuë en des termes, repliqua-t’il, où il ne paroiſt pas qu’il fuſt fort mal avecques vous. Seigneur, dit-elle, je n’ay que deux choſes à vous dire, pour vous mettre l’eſprit en repos : l’une que je ne verray jamais Aglatidas : l’autre que je ne recevray jamais de ſes lettres, ny qu’il ne recevra jamais des miennes. Il me ſemble (dit Artemon qui eſtoit preſent à cette converſation faſcheuse) qu’Ameſtris va au delà de la raiſon : car enfin connoiſſant ſa vertu comme vous la devez connoiſtre, quand elle verroit un honme qui auroit eſté amoureux d’elle, vous n’en devriez pas eſtre en peine. Mais qui m’aſſeurera (dit Otane à Ameſtris, ſans écouter Artemon)