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qui eſtoient dedans, il y vit les Noms d’Ameſtris & d’Aglatidas : il entra en une telle fureur, qu’il fut plus d’une heure ſans les pouvoir lire. Il les ouvroit pourtant, & meſme les regardoit toutes : mais il eſtoit ſi tranſporté, qu’il ne sçavoit ce qu’il liſoit. A l’inſtant meſme il envoya querir Artemon ; qui venant auſſi toſt, voyez, luy dit il, voyez ſi j’avois tort d’eſtre chagrin : & alors il luy raconta, comme ſi cela euſt eſté bien neceſſaire à sçavoir, comment il avoit fait ouvrir ce Cabinet ; comment il avoit cherché par tout ; & bref il luy dit juſques à la moindre circonſtance des choſes que je viens de vous dire : en ſuitte dequoy, il luy bailla une des Lettres qu’il avoit trouvées. Artemon la prenant, & connoiſſant par ce qu’elle contenoit qu’elle avoit eſté eſcrite du temps qu’Artambare Pere d’Ameſtris vivoit, & que l’on croyoit qu’Aglatidas la devoit eſpouser ; luy dit qu’il ne voyoit pas qu’il y euſt rien là de fort criminel. Quoy, repliqua Otane, vous croyez qu’Ameſtris ſoit innocente, de garder des Lettres de galanterie apres eſtre mariée : Non Artemon, luy dit-il, elle ne le sçauroit eſtre : & puis qu’Ameſtris conſerve les Lettres d’Aglatidas, elle en conſerve ſans doute l’affection dans le fond de ſon cœur. Et alors repaſſant toutes ces Lettres, il vint enfin à trouver celle qu’Aglatidas avoit eſcrite en partant. Ha ç’en eſt fait, s’écria-t’il, je ſuis le plus malheureux homme du monde : & je ne voy que trop la cauſe de la retraite d’Ameſtris. Artemon prenant cette Lettre, & voyant en effet qu’elle avoit eſté écrite depuis le Mariage d’Otane, & qu’il falloit de neceſſité qu’ils ſe fuſſent remis bien enſemble ſans que l’on en euſt rien sçeu, fut quelque temps ſans parler ; pendant quoy Otane dit plus de choſes qu’un