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mon humeur a changé pour toutes choſes, ſans que j’en puiſſe dire la raiſon : mais puis qu’en changeant de ſentimens, j’ay changé advantageuſement pour Otane, dequoy ſe pleint-il ? Ne cherchons point de raiſon à ſes pleintes, reprit Artemon, car nous n’y en trouverions point : ce n’eſt pas Madame, luy dit-il, que je ne ſois contraint d’avoüer, que voſtre retraite eſt ſurprenante : & qu’il n’eſt pas abſolument eſtrange qu’Otane ſoit eſtonné de ce qui eſtonne toute la Cour, & toute une grande Ville. Cependant n’eſtant pas auſſi curieux que luy, & ayant pour vous un reſpect extréme ; je veux croire que tout ce que vous faites eſt bien fait : & je ne veux point penetrer dans le ſecret de voſtre cœur. Mais au nom des Dieux, Madame, ſi vous le pouvez, dites quelque choſe à Otane qui le ſatisface, & s’il eſt poſſible, n’affectez point tant la ſolitude. Je ne puis faire que la moitié de ce que vous me demandez, luy dit-elle, qui eſt de voir un peu plus de monde que je n’en voy : car pour dire des menſonges à Otane, je ne le sçaurois faire : & je les inventerois ſi mal, qu’il ne les pourroit jamais croire. Mais Artemon, luy dit-elle encore, croyez qu’en ſuivant voſtre conſeil, je m’expoſe à bien des malheurs : eſtant à croire que puis qu’Otane eſt jaloux ſans sçavoir de qui, & dans un temps où mon Cabinet eſt ma priſon, & où je ne voy perſonne ; il ſera bien difficile, ſi je voy compagnie, qu’il ne le ſoit d’une autre maniere. Touteſfois apres tout, puis qu’il a plu aux Dieux qu’il fuſt mon Mary, je dois ſuivre ſes volontez, & contraindre toutes les miennes. Vous pouvez donc l’aſſurer, luy dit-elle, que je verray qui il luy plaira, pourveû qu’il me promette que dés qu’il ſe repentira repentira d’avoir ſouhaité que je revoye le monde,