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parloit, Otane ſe promenoit ſans rien dire : & remarquant en effet qu’elle avoit quelque colere de ce qu’Artemon luy diſoit : Madame, luy dit-il, je penſe que vous ne devez pas me refuſer de me juſtifier dans l’eſprit du monde : c’eſt pourquoy revoyez-le, je vous en conjure : car j’aurois quelque peine à ſouffrir que l’on m’accuſast plus long temps de vous tenir captive. Seigneur, luy dit-elle, ſi vous faites conſister voſtre felicité en l’opinion d’autruy, je la tiens mal aſſurée : & je ne sçay ſi ces meſmes gens qui vous font injuſtice ne me la feroient point à moy ſi je les revoyois ; & ſi apres vous avoir fait paſſer pour jaloux, ils ne me feroient point auſſi paſſer pour eſtre un peu trop galante : c’eſt pourquoy il vaut mieux ne m’expoſer pas à ce malheur.

Quelqu’un eſtant alors venu demander Otane, il ne put répondre au diſcours d’Ameſtris : & Artemon ſortant avecques luy, elle demeura ſeule & fort ſurprise de cette avanture. Menaſte arriva un moment apres : & la trouvant encore avec quelque agitation ſur le viſage ; qu’avez-vous luy dit-elle, depuis hier que je vous quittay ? j’ay une ſi grande colere, reprit Ameſtris, que j’auray quelque peine à vous en dire la cauſe ſans m’emporter. Car enfin Menaſte excepté vous, je n’avois plus qu’une ſeule conſolation en ma vie, qui eſtoit la ſolitude, dont je penſois jouir paiſiblement juſques à la mort, & cependant on veut que je m’en prive : & alors elle luy raconta tout ce qui luy venoit d’arriver. Mais Menaſte, luy dit elle encore, eſt il vray que le monde dit qu’Otane eſt jaloux ? Il eſt certain, luy repliqua-t’elle, que c’eſt un bruit épandu par toute la Ville : & plus certain encore que je n’ay pas aporté ſoing à en deſabuser