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condamner l’autre : mais puiſque c’eſt le ſentiment univerſel, vous ne le ferez pas changer : c’eſt pourquoy changez-vous vous meſme ſi vous pouvez. Otane voyant qu’il ne pouvoit perſuader Artemon, & ayant l’eſprit irrité d’aprendre que l’on faiſoit des contes de luy, le mena malgré qu’il en euſt à la Chambre d’Ameſtris : afin de luy demander devant luy s’il n’eſtoit pas vray que jamais il ne luy avoit dit qu’il ſouhaittoit qu’elle viſt moins de monde qu’à l’ordinaire. Touteſfois Artemon croyant qu’enfin Ameſtris luy sçauroit gré de contribuer quelque choſe à luy faire changer de vie, y fut, ſans s’en faire preſſer davantage. Auſſi-toſt qu’ils furent entrez, voyant qu’elle eſtoit ſeule dans ſon Cabinet où ils la trouverent : n’eſt-il pas vray Madame, luy dit Otane, que je ne vous ay point priée de ne faire plus de viſites ; de n’aller plus à la promenade ny au Bal ; de ne vous parer plus ; de ne recevoir plus compagnie chez vous ; & d’aller au Temple à la pointe du jour, comme on le dit dans Ecbatane ? Seigneur, répondit Ameſtris en rougiſſant, je ne penſe pas qu’il y ait perſonne qui ait aſſez mauvaiſe opinion de vous & de moy, pour dire une ſemblable choſe ; voila pourtant Artemon, repliqua-t’il, qui vous dira que parce que vous eſtes plus ſolitaire que vous n’eſtiez autrefois, on dit que je ſuis jaloux. J’aime encore mieux, répondit Ameſtris, que l’on die que vous avez de la jalouſie, & que j’ay de l’obeïſſance : que ſi on diſoit que j’allaſſe au Bal & à la promenade contre vos ordres. Mais puis qu’il faut que je vous juſtifie, sçachez Artemon, dit-elle en ſe tournant vers luy, que le changement que l’on voit