Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, quatrième partie, 1654.djvu/248

Cette page n’a pas encore été corrigée

quoy que ce ſoit la couſtume que les nouvelles mariées ſoient plus magnifiques, & fartent plus de deſpence qu’en aucun autre temps de leur vie ; elle au contraire, ne pouvant ceſſer d’eſtre propre, ceſſa dû moins d’eſtre magnifique, & ne parut plus jamais qu’avec une negligence qui faiſoit aſſez voir qu’elle n’avoit pas deſſein de plaire, quoy qu’elle pluſt touſjours infiniment. Elle feignit meſme d’eſtre un peu malade, pour s’empeſcher d’aller à tous les lieux de divertiſſement où elle avoit accouſtumé de ſe trouver : elle ne faiſoit plus que les viſites d’une obligation abſoluë, & faiſant touſjours dire chez elle qu’on ne la voyoit pas, ou qu’elle n’y droit point, inſensiblement on vit la perſonne de toute la Cour la plus viſitée devenir la plus ſolitaire. Elle alloit meſme ſi matin au Temple, que non ſeulement : toutes les Dames, mais tous les Galans d’Ecbatane dormoient encore quand elle en revenoit : de ſorte que jamais Mary n’a deu eſtre plus en repos qu’Otane : & de la façon dont vivoit Ameſtris, elle euſt ſans doute guery le plus jaloux Amant du monde. Cependant, Seigneur, toutes ces choſes qui domine je viens de vous le dire auroient deu chaſſer la jalouſie du cœur d’Otane, ſi elle y euſt eſté, l’y firent naiſtre : mais avec tant de violence, que jamais on n’a entendu parler d’une pareille avanture. D’abord touteſfois il fut preſques bien aiſe de ce qui le tourmenta tant apres : & il trouvoit enfin, qu’avoir une belle Femme que perſonne ne voyoit que luy, n’eſtoit pas un petit advantage. Mais comme la retraite d’Ameſtris faiſoit grand bruit dans le monde, on ne parloit d’autre choſe : & comme on n’avoit pas sçeu qu’elle & Aglatidas s’eſtoient veus, & s’eſtoient