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quelque temps ſans parler, ſe mirent enfin, emportez par leur paſſion, à s’entretenir preſques malgré qu’ils en euſſent. Croyez vous, dit le Roy d’Aſſirie à Cyrus, que noſtre Rival ait ſeulement écouté la Princeſſe Araminte ? Comme je sçay qu’il eſt doux & civil, reprit Cyrus, je ſuis aſſuré qu’il luy aura donné audience : mais comme je ſuis aſſuré qu’il eſt amoureux, interrompit le Roy d’Aſſirie, je ſuis certain qu’il aura refuſé la propoſition que vous luy avez fait faire : du moins sçay je bien que quand on m’offriroit de me rendre Babilone & tous mes Eſtats, qui ſont plus conſiderables que ceux du Roy de Pont : & que je ſerois aſſuré d’eſtre encore vaincu par vous au combat que nous devons faire, ſi nous delivrons noſtre Princeſſe : j’aimerois encore mieux mourir en diſputant Mandane, que de remonter au Throſne en vous la cedant. Ce ſentiment là eſt ſi digne de vous, & de la Princeſſe que nous aimons, repliqua Cyrus, & marque ſi parfaitement une affection violente ; qu’il faut bien conclurre apres cela, que ceux qui diſent que pour eſtre aimé il ne faut qu’aimer, ſe trompent : puis que ſi cela eſtoit, la Princeſſe Mandane devroit avoir le cœur bien partagé eſtant ſi fortement aimée du Roy d’Aſſirie, du Roy de Pont, & du malheureux Cyrus. Car Seigneur, adjouſta-t’il en regardant ſon Rival, ſi vous eſtes capable de refuſer une Couronne, pluſtost que de ceder Mandane : je le ſuis d’en perdre cent ſi je les poſſedois ; & de porter meſme autant de chaines que j’aurois quitté de Sceptres, plûtoſt que de changer de ſentimens pour elle. Comme ils s’entretenoient de cette ſorte, ils aperceurent de la cavalerie, & peu de temps apres le Chariot de la Princeſſe