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de Pont luy meſme en fut ſi attendry, qu’il détourna ſes regards, auſſi-toſt qu’il l’eut remiſe dans ſon Chariot. Et ſe tournant vers Aduſius, dites à voſtre illuſtre Maiſtre, luy dit-il, qu’il n’a pas tenu à la Princeſſe Araminte que je ne l’aye ſatisfait, & je puis meſme dire, adjouſta t’il, qu’il n’a pas tenu à ma propre raiſon : puis qu’elle m’a aſſez fait voir que je le devois. Ainſi, genereux Aduſius, c’eſt ſeulement la Princeſſe Mandane qu’il faut accuſer de mon, crime : aſſeurez le cependant, que je tâcheray de la diſputer contre luy avec tant de courage, que ſi je ſuis vaincu, je le ſeray du moins ſans honte ; afin que ma mort ou ma deffaite ne ſoit pas indigne de ma Princeſſe & de mon vainqueur. Aduſius luy ayant aſſeuré qu’il luy obeïroit, le Chariot marcha : & le Roy de Pont montant à cheval un moment apres, la Princeſſe reprit le chemin du Camp, & le Roy ſon frere celuy d’Epheſe : ayant l’un & l’autre l’eſprit remply de penſées fort differentes, mais toutes tres melancoliques.

Cyrus & le Roy d’Aſſirie durant l’abſence d’Araminte, n’eſtoient pas ſans inquietude : ce n’eſt pas qu’ils euſſent fortement eſperé que cette entre-veuë deuſt produire la liberté de Mandane : puis que quand le Roy de Pont l euſt voulu, Creſus n’y auroit peut-eſtre pas conſenty. Mais comme c’eſt l’ordinaire de l’amour, de donner de la crainte & de l’eſperance à tous ceux qui en ſont poſſedez ; ils craignirent & ils eſpererent ſuccessivement : & le jour qu’ils sçavoient que la Princeſſe Araminte devoit revenir, ils furent au devant d’elle, ſuivis de grand nombre de perſonnes de qualité, & de Phraarte entre les autres. Ces deux illuſtres Rivaux marchant ſeuls éloignez de quelques pas de tout le reſte ; apres avoir eſté