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gagner un Royaume en la perdant, que de vous perdre vous meſme, en penſant la conſerver ? Ouy ſi je le pouvois, repliqua-t’il, mais ne le pouvant pas, il n’y faut abſolument plus ſonger : c’eſt pourquoy, ma Sœur, n’en parlons plus s’il vous plaiſt : car ſi quelqu’un m’avoit pû perſuader de rendre Mandane ç’auroit eſté Mandane elle meſme : & puis que j’ay reſisté à ſes larmes & à ſes prieres, je reſisteray aiſément à la propoſition que vous me faites : & il me ſera bien plus facile de refuſer une Couronne, qu’il ne me l’a eſté de refuſer la liberté à une perſonne que j’adore. Cette admirable Princeſſe, pourſuivit-il, m’a meſme offert quelque choſe de plus précieux encore qu’une Couronne ; puis qu’elle m’a dit plus de cent fois, que ſi je luy donnois la liberté, elle me donneroit ſon amitié toute entiere. Jugez apres cela, ſi je puis écouter ce que vous me dites de la part de Cyrus : Mais ma. Sœur, adjouſta-t’il, faites moy la grace de ne donner pas à mon Rival la joye de luy aprendre ſi préciſement la conſtance de la Princeſſe Mandane. Je vous j’ay dit ſans en avoir le deſſein : mais ayez s’il vous plaiſt la bonté de ne luy en parler point : il en eſt ſans doute perſuadé, pour n’avoir pas beſoin que je luy confirme moy-meſme une verité ſi advantageuſe : & ne faites pas ſervir mes propres paroles à la felicité d’un Prince que je devrois haïr encore plus que je ne le hay. Car il eſt vray que j’eſtime de telle ſorte celuy-là, qu’il y a des inſtants où je veux mal à la Fortune de m’avoir forcé d’eſtre ſon ennemy. Comme je luy dois la vie, vous pouvez l’aſſurer de ma part, que s’il n’y avoit à diſputer entre nous qu’une Couronne, je la luy cederois ; & meſme la gloire, qui eſt