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s’il vous plaiſt, ſi je ne rachette pas voſtre liberté par ſa perte : joint que vous eſtes entre les mains d’un Vainqueur ſi genereux, que je ne dois pas craindre qu’il ſe vange ſur vous de l’injuſtice que je luy fais. Vous n’avez, apres tout, pour excuſer ce que je fais aujourd’huy, luy dit-il encore, qu’à conſiderer ce que l’amour fait faire à Spitridate, car pour voſtre ſeul intereſt, il quitte ſon Pere ; il renonce à des Couronnes ; il erre inconnu par le monde ; & il fait plus encore pour vous, que je ne fais pour Mandane. C’eſt pourquoy, ma chere Sœur, pleignez-moy ; & n’entreprenez plus de me perſuader, ce que je ne sçaurois faire. Mais, Seigneur, luy dit-elle, je ne haïſſois pas Spitridate, comme Mandane vous haït : de plus, ſi je voyois qu’il y euſt aparence que vous puſſiez conſerver cette Princeſſe, je vous pleindrois ſeulement pour les malheurs qu’elle vous cauſeroit, & je ne m’oppoſerois plus à voſtre deſſein : mais de la façon dont je voy les choſes, je ſuis perſuadée que toute la puiſſance de Creſus ſuccombera, & que vous ſuccomberez avec elle. Car enfin remettez-vous un peu dans la memoire, toutes les prodigieuſes choſes qu’a fait Artamene & qu’a fait Cyrus : le nombre de ſes Victoires & de ſes conqueſtes eſt ſi grand, que l’on ne s’en peut ſouvenir ſans eſtonnement. Croyez-vous donc que les Dieux ne l’ayent élevé ſi haut, que pour le précipiter ? La Fortune l’aura-t’elle ſuivy ſi conſtamment contre ſa couſtume, pour apres l’abandonner ? luy qui devient tous les jours plus puiſſant, & qui ſemble tenir entre ſes mains le deſtin de toute l’Aſie. Ainſi prévoyant preſques de certitude, que vous perdrez un jour la Princeſſe Mandane, ne vaudroit-il pas mieux la rendre genereuſement, &