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car enfin depuis que je ne vous ay veuë, j’ay perdu des batailles ; j’ay perdu la liberté ; j’ay perdu des Couronnes : & malgré tout cela, devant que de me pleindre de ma fortune, je me pleins de mon amour. Seigneur, luy dit-elle, c’eſt par là auſſi que vous eſtes veritablement à pleindre : puis qu’il eſt vray que ſi vous pouviez vaincre en vous cette paſſion, vous pourriez encore eſtre heureux. Ha ma Sœur, s’écria-t’il, je ne sçaurois point aimer, ſi je pouvois imaginer ſeulement qu’il puiſſe y avoir d’autre bon-heur au monde, que celuy d’eſtre aimé de la Princeſſe Mandane. Mais cependant, adjouſta-t’il, dites-moy je vous prie par quel ſentiment vous avez deſiré de me voir : eſt-ce ſeulement par bonté & par tendreſſe ? eſt-ce pour me pleindre ou pour vous pleindre vous-meſme ? eſt-ce pour l’intereſt de Spitridate, pour celuy de Cyrus, pour le voſtre, ou pour le mien ? Enfin dites-moy je vous prie voſtre veritable deſſein ; afin que je sçache preciſément de quelle façon je vous dois parler. Seigneur, luy dit-elle, quoy que toutes les choſes que vous venez de me dire pûſſent avoir part au deſſein que j’ay fait de vous voir, il eſt pourtant certain qu’à parler ſincerement, voſtre ſeul intereſt eſt ce qui m’y a le plus puiſſamment portée. Car apres tout, Seigneur, j’ay creu que je devois vous dire, qu’il ne tiens qu’à vous d’eſtre heureux : & de faire une action la plus heroïque, que perſonne ait jamais faite. J’aime ſans doute fort la gloire, reprit ce Prince, & pourveu qu’il ne faille point quitter la Princeſſe Mandane, je feray certainement tout ce que vous me propoſerez pour en acquerir. Seigneur, luy dit la Princeſſe Araminte, Mandane ne vous aime pas, & ne vous aimera jamais : Il eſt vray,