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il ne dit pas une bonne raiſon de ce qu’il eſtoit allé faire au Palais : & que quelques uns de ceux à qui il avoit parlé, dirent qu’il leur avoit demandé quel ordre on obſervoit à garder la Princeſſe : on le mit en priſon, & le Roy creüt que l’on vouloit ſonger à la delivrer. Si bien que pour la mettre en un lieu qu’il croyoit inviolable, & pour l’eſloigner de Cleandre, qu’il ne pouvoit ſe reſoudre de faire mourir, quelque irrité qu’il fuſt contre luy : il fit conduire le lendemain cette Princeſſe à Epheſe, dans le Temple de Diane : ordonnant à celle qui commande les cent Vierges voilées qui y font, de ne la laiſſer parler à qui que ce fuſt : faiſant delivrer la Compagne de Cyleniſe, & faiſant mettre auſſi en liberté le Fils de Pactias, à cauſe de la fidelité de ſon Pere. Cette ſage Princeſſe demanda à prendre congé du Roy, mais il luy refuſa cette grace : en ſuitte elle pria que du moins on luy rendiſt Cyleniſe, & qu’on luy donnaſt meſme priſon qu’à elle ; ce qu’on luy refuſa encore : de ſorte que le jour ſuivant, ſans que perſonne euſt la liberté de la voir, elle partit de Sardis, eſcortée par cinq cens chevaux, pour s’en aller à Epheſe, qui n’en eſt qu’à trois journées ſeulement. Mais, Madame, comme pour y aller, il faloit de neceſſité paſſer par derriere les jardins du Palais, & devant la Citadelle ; juſtement vis à vis de la feneſtre par où Cleandre avoit parlé à Cyleniſe : il arriva que ce malheureux Prince ſe promenant dans ſa. Chambre, & s’entretenant touſjours de ſes infortunes, vit paſſer cette Princeſſe, & la reconnut : & qu’elle auſſi levant les yeux pour regarder cette meſme feneſtre en paſſant, y vit Cleandre. De vous dire, Madame, ce que ces deux illuſtres Perſonnes ſentirent