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de certitude qu’il eſtoit Fils de Roy, ſans avoir plus en ſa puiſſance ce qui le pouvoit juſtifier, & le faire sçavoir aux autres : il paroiſſoit ingrat & criminel envers Creſus, ſans pouvoir luy donner de preuves convainquantes du contraire : il n’ignoroit pas qu’il eſtoit aimé de la Princeſſe qu’il armoit, mais il voyoit que ſelon les apparences, il ne la verroit plus jamais en eſtat de luy pouvoir donner de nouvelles marques d’affection : & il aprenoit qu’elle eſtoit priſonniere pour l’amour de luy. Cette derniere conſideration eſtoit ſi forte dans ſon eſprit, qu’il ne ſongeoit plus à toutes les autres choſes qui le devoient affliger : juſques là, il avoit porté ſes fers ſans les vouloir rompre, mais dés qu’il sçeut que la Princeſſe eſtoit en priſon, il ne ſongea plus qu’à ſa liberté, afin de l’aller delivrer. Il prioit ſes Gardes d’aller dire au Roy qu’on le fiſt mourir, pourveu qu’on delivraſt la Princeſſe : & il donna enfin de ſi grandes marques d’amour, & d’une maniere ſi touchante : qu’un de ſes Gardes en effet s’offrit à faire du moins tout ce qu’il pourroit pour ſa conſolation, s’il ne faiſoit rien pour ſa liberté. Cleandre acceptant ſon offre, le conjura d’aller au Palais, & de s’informer bien exactement quel ordre il y avoit à garder la Princeſſe ; afin de pouvoir apres juger, s’il y auroit impoſſibilité de luy faire tenir un Billet. Cét homme officieux fit ce que Cleandre luy dit, & fut effectivement au Palais : mais comme il n’eſtoit pas auſſi adroit que bien intentionné, quelques uns de ces gens qui s’empreſſent ordinairement tant aupres des Rois, lors qu’il s’agit de rendre de mauvais offices, sçachant que ce Soldat eſtoit des Gardes de Cleandre, en advertit Creſus, qui le fit prendre auſſi toſt. Et comme