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n’eut plus la liberté de la voir, non pas meſme le Prince Myrſile, parce qu’il avoit toûjours paru fort affectionné à Cleandre. La Princeſſe de Claſomene la demanda, mais ce fut inutilement : Abradate s’empreſſa auſſi beaucoup pour luy rendre quelque ſervice, & touteſfois il n’en pût venir à bout : le Prince Mexaris quoy que peut-eſtre bien aiſe de tous ces deſordres, en parut neantmoins faſché : la Princeſſe Anaxilée veuſve du Prince Atys ſe ſouvenant de l’obſtacle que la Princeſſe avoit autrefois aporté à ſon Mariage, n’en uſa pas trop genereuſement : mais pour Eſope, il agit touſjours également bien : & quoy qu’il sçeuſt la Cour admirablement, ſa Philoſophie enjoüée & divertiſſante, eut pourtant toute la ſolidité imaginable : car il parla touſjours au Roy avec beaucoup de hardieſſe, & pour Palmis, & pour Cleandre. Menecée fut auſſi tres genereux : & il parla ſi hautement, que le Roy s’en faſcha, & ne l’employa plus dans ſes conſeils ; luy deffendant abſolument de publier que Cleandre ſe diſoit Fils de Roy. Pour Arteſilas, tout Amant qu’il eſtoit de la Princeſſe Palmis, il ne s’affligea pas de ſa priſon avec excès ; parce qu’il eſpera que cette fâcheuſe avanture l’obligeroit peut-eſtre à ſe repentir de l’affection qu’elle avoit pour pour Cleandre : & il eſpera meſme agir avec tant d’adreſſe, qu’aveques le temps il pourroit faire en ſorte qu’elle croiroit luy devoir ſa liberté. Cependant Cleandre ayant sçeu le lendemain par quelqu’un de ſes Gardes, que la Princeſſe eſtoit priſonniere, ſentit un redoublement de douleur ſi grand, que tontes celles qu’il avoit ſouffertes en toute ſa vie, n’eſtoient rien en comparaiſon. Auſſi voyoit il ſa fortune en un pitoyable eſtat : il sçavoit