Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, quatrième partie, 1654.djvu/184

Cette page n’a pas encore été corrigée

dit moy meſme, & je ne sçay encore ſi par quelque bizarre raiſon d’eſtat je vous l’avois commandé, ſi vous euſſiez deû m’obeïr ſans repugnance. De plus, quand Cleandre ſeroit fils de Roy, vous n’auriez pas deû encore avoir une intelligence ſecrette aveques luy : outre cela, ſe diſant eſtre Fils de mon ennemy, eſtoit il juſte de ne me le faire pas sçavoir à l’heure meſme ? & ne deviez vous pas preſupposer, que cette ſeule qualité ſuffisoit pour m’empeſcher de ſouffrir jamais qu’il entraſt dans mon alliance ? Concluons donc que de quelque façon que je conſidere ce que vous avez fait ; je vous voy ſi criminelle, que je ne vous ſcaurois plus voir. C’eſt pourquoy retirez vous à voſtre Apartement, & attendez y mes ordres : ſans vous meſler plus de la juſtification de Cleandre. Puis que la mienne eſt inſeparablement attachée à celle de ce malheureux Prince, repliqua t’elle, il me ſemble, Seigneur, que c’eſt me faire un commandement fort injuſte : Allez, luy dit-il, allez ; ne me répondez pas davantage : & ſans ſonger à voſtre prétenduë innocence, penſez ſeulement à prier les Dieux qu’ils vous pardonnent : car pour moy je ne vous sçaurois pardonner. La Princeſſe Palmis voulut encore luy repliquer quelque choſe, mais il l’en empeſcha : & commanda au Lieutenant de ſes Gardes, qui ſe trouva aupres de luy, de la remener à ſa chambre, & de luy reſpondre de ſa perſonne.

Cette Princeſſe voyant donc qu’il n’y avoit pas moyen de fléchir le Roy ſon Pere, luy obeït les larmes aux yeux, & s’en retourna chez elle ; ſans avoir meſme la conſolation d’avoir ſa chere Cyleniſe à ſe pleindre de ſes malheurs. Sa Chambre eſtant devenuë ſa priſon, perſonne