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que parce que ſa juſtification vouloit qu’elle le diſt. Cependant Seigneur (luy dit elle, apres avoir rappellé malgré luy dans ſa memoire tout ce qu’il devoit à Cleandre) cét homme ſi illuſtre en toutes choſes ; à qui le Prince Atys devoit la vie ; & à qui je dois la voſtre, n’auroit jamais obtenu aucune place particuliere dans mon cœur, ſans deux conſiderations, tres puiſſantes. L’une, que j’ay sçeu que vous aviez deſſein de me commander de l’eſpouser, au retour de cette campagne : l’autre, que j’ay apris qu’il eſt d’une naiſſance égale à la mienne : joint qu’outre ces deux raiſons, je sçay de certitude qu’il ne vous a point voulu trahir : & qu’il n’a point de paſſion plus violente, que celle de pouvoir reconnoiſtre vos bienfaits. Le Roy ſurpris & en colere, de voir que la Princeſſe ſa Fille sçavoit le deſſein qu’il avoit eu touchant ſon Mariage : luy dit en l’interrompant, vous deviez du moins attendre que je vous euſſe commandé d’eſpouser Cleandre, à luy donner des marques de voſtre affection ; mais puis que vous eſtes ſi obeïſſante à mes volontez, que vous l’euſſiez eſpousé ſi je l’euſſe voulu, haïſſez-le auſſi quand je le veux : & regardez la punition que je veux faire de ſon crime, ſans y prendre autre intereſt que le mien. S’il eſtoit criminel je le ferois, luy repliqua t’elle, mais eſtant innocent & Fils d’un Grand Roy, je croy, Seigneur, que c’eſt vous ſervir, que de vous empeſcher d’attirer ſur vous la colere des Dieux, en perdant un Prince qui ne vous a point offenſé. Car enfin, Timocreon, Thimettes, & Acrate, ne diſent point un menſonge, quand ils aſſurent que Cleandre eſt Fils du Roy de Phrigie. J’ay veû moy meſme toutes les choſes qui juſtifient ſa naiſſance : & je sçay