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pour ne perdre pas des moments ſi precieux. Il faut que je me haſte de vous dire, que la Princeſſe eſt reſoluë, pour conſerver voſtre vie de dire au Roy ce qu’elle sçait de voſtre naiſſance. Elle a voulu, Seigneur, vous en advertir, de peur que vous ne contre-diſiez ce qu’elle dira : & alors Cyleniſe commença de luy faire sçavoir tout au long, toutes les choſes que la Princeſſe luy avoit ordonnées : ſoit de ce qu’elle devoit dire au Roy ſon Pere, ſoit de ce que Cleandre devoit reſpondre. Quoy Cyleniſe (luy dit-il, apres l’avoir eſcoutée avec beaucoup d’attention) cette admirable perſonne prend ſoin de ma vie, & veut bien ſe reſoudre pour la conſerver, de faire une choſe ſi fâcheuſe pour elle, & ſi difficile ! ha Cyleniſe, je ne puis preſques me l’imaginer. Mais ſi elle ne me la peut conſerver, qu’en le faiſant une ſi grande violence : dites luy, je vous en conjure, que j’aime mieux mourir que de luy cauſer cette peine. Mais Seigneur, dit-elle, croyez vous que voſtre mort luy fuſt agreable ? Non, repliqua t’il, je la croy trop bonne pour cela : mais ma vie luy eſt : ſi inutile, & luy donne tant de déplaiſirs, qu’il me ſemble en quelque ſorte juſte de ne la conſerver pas par une voye où elle s’expoſe ſans doute à entendre du moins beaucoup de choſes faſcheuses du Roy ſon Pere. Aſſurez la donc, luy dit il, qu’elle peut me laiſſer mourir, ſans que j’en murmure : dites luy, Cyleniſe, que je ne ſens mon malheur, que pour l’amour d’elle : que je ne trouve ma priſon rude, que parce que je ne la voy plus : & que pourveû que je ne perde point ſon amitié, je me conſoleray ſans peine de la perte d’une Couronne, & meſme de celle de ma vie. Comme ils en eſtoient là, un Soldat qui avoit diſcerné