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à ce que Cyleniſe luy propoſoit, elle ne reſoluoit rien. Mais Madame, luy dit elle, il y va de la vie de Cleandre : Mais Cyleniſe, adjouſta la Princeſſe, il y va de mon honneur. Il n’y va pas du moins de voſtre vertu, répondit cette Fille, & je ne sçay ſi la generoſité veut que l’on s’empeſche de faire une bonne action, par la ſeule crainte d’eſtre ſoupçonné d’en avoir fait une mauvaiſe. Et puis, Madame, cette action quand meſme elle ſeroit sçeuë, paſſeroit bien pluſtost pour une action de charité, que pour une de galanterie. Apres tout. Madame, puis que vous eſtes reſoluë de parler au Roy ; que de plus, vous sçavez que ce Prince vous a voulu faire eſpouser Cleandre, & que vous pouvez meſme luy faire connoiſtre que vous le sçavez : je ne voy pas qu’il y ait tant à haſarder. La Princeſſe penſa toutefois ſe contenter d’eſcrire, & de faire donner la Lettre à Tegée, pour la rendre à Cleandre : mais quand elle venoit à penſer au grand nombre de choſes qu’il faloit dire : & que ſi par malheur cette Lettre eſtoit perduë, elle pourroit nuire également & à elle, & à Cleandre, elle changeoit encore de deſſein : & elle ne vouloit plus ny que Cyleniſe allaſt à cette aſſignation, ny eſcrire : & elle demeuroit infiniment affligée. Mais Eſope l’eſtant venu voir, & luy ayant dit que l’on parloit ſi mal de l’affaire de Cleandre, qu’il avoit creû à propos de prendre la liberté de la venir ſuplier de vouloir proteger un homme auſſi illuſtre que celuy là : apres qu’il fut parti fort ſatisfait de la reſponse de la Princeſſe, elle acheva de ſe reſoudre : & elle dit enfin à Cyleniſe, qu’elle conſentoit qu’elle allaſt parler à Cleandre : & qu’elle luy laiſſoit le ſoin de choiſir celle de toutes ſes Compagnes qu’elle croiroit