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vous laiſſe à juger de noſtre ſurprise : Cleandre demanda à eſtre conduit au Roy, mais on le luy refuſa : & on nous mena aveques luy dans la Citadelle de Sardis, nous logeant touteſfois en des Apartemens differens. Dans ce grand deſordre mon Pere fut ſi prudent & ſi heureux, qu’il trouva lieu d’ordonner, ſans que l’on s’en aperçeuſt, à celuy des ſiens qui devoit porter toutes les choſes qui pouvoient ſervir à la reconnoiſſance de Cleandre, de les remettre ſecrettement entre les mains de la Princeſſe. Cependant la priſon de Cleandre fut un remede merveilleux, pour la gueriſon d’Arteſilas, qui commença de ſortir peu de jours apres. Je ne m’arreſteray point à vous exagerer la ſurprise de la Princeſſe, non plus que celle de Cleandre : je ne vous diray pas auſſi celle de Creſus, d’eſtre obligé de croire qu’un homme ſi genereux, & qui luy avoit de l’obligation, l’euſt trahi : car il vous eſt aſſez aiſé de vous imaginer les divers ſentimens qu’un ſemblable accident luy pouvoit donner. Mais je vous aprendray que Cleandre s’informant à ceux que l’on avoit mis aupres de luy, de quel crime on l’accuſoit ; sçeut que le bruit eſtoit dans Sardis qu’il avoit voulu trahir Creſus, abandonner ſon Parti, & s’aller jetter dans celuy du Roy de Phrigie. Sçachant donc quel eſtoit le crime qu’on luy imputoit. & sçachant que ſon innocence ne pouvoit eſtre connuë qu’en avoüant la verité : puis qu’il ne pouvoit pas nier une grande partie des choſes qu’on luy diſoit pour le convaincre d’avoir eu un deſſein caché ; il s’y reſolut ; & fit dire au Roy par celuy qui commandoit dans la Citadelle, qu’il le conjuroit de luy envoyer une perſonne à laquelle il peuſt confier une choſe fort importante. Creſus, qui