continuellement chez la Princeſſe s’en aperçeuſſent, il en fut bien toſt adverty. De plus, comme Cleandre n’avoit pas encore dit le dernier adieu à la Princeſſe Palmis, il fit tant qu’il l’obligea à luy accorder encore une fois la permiſſion de l’entretenir en particulier : & en effet le lendemain au retour du Temple, Cleandre fut chez elle, & luy parla près de deux heures : luy diſant des choſes ſi paſſionnées ; & elle luy en reſpondant de ſi genereuſes & de ſi obligeantes tout enſemble ; que ſans rien relaſcher de cette exacte vertu, dont elle faiſoit profeſſion ; Cleandre tout amoureux qu’il eſtoit, ne pût jamais avoir la hardieſſe de ſe pleindre : ny trouver qu’il en euſt ſujet, quoy qu’elle ne fiſt rien pour luy, & qu’elle ne s’engageaſt abſolument qu’à l’eſtimer toute ſa vie. Cette ſeparation fut ſi tendre & ſi touchante de part & d’autre, qu’il ne fut pas poſſible que Cleandre peuſt effacer de ſes yeux en ſortant de chez la Princeſſe, la profonde melancolie qu’il y avoit : de ſorte que ceux qui l’obſervoient par les ordres d’Arteſilas, luy aprirent ce qu’ils avoient veû. Si bien que sçachant toutes ces entre-veuës ſecrettes de Timocreon ; de Thimettes ; d’Acrate ; de Cleandre ; de la Princeſſe, & de moy ; il creût bien qu’il y avoit quelque choſe de caché là deſſous.
Il employa donc toutes les inventions dont il ſe pût aviſer, pour deſcouvrir ce que c’eſtoit : il fit ſuborner un des domeſtiques de mon Pere par de l’argent : & par luy il sçeut qu’il ſe preparoit à un voyage, & qu’il faiſoit oſter de chez luy ce qu’il y avoit de plus precieux. Il sçeut meſme que Cleandre avoit envoyé en diligence contre mander ſes gens qui eſtoient partis pour l’Armée ; & il aprit encore, que