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nous devons, & laiſſons le reſte à la providence des Dieux. Cette reſignation abſoluë, reprit Cleandre en ſoûpirant ; marque aſſez. Madame, que toute mon affection ; tous mes ſoings ; & tous mes ſervices ; n’ont tout au plus obtenu autre choſe de vous ; ſinon que vous ſouffrez que je vous aime ſans me haïr. Car ſi vous aviez un peu plus de tendreſſe pour moy, vous trouveriez, Madame, qu’il n’eſt pas ſi aiſé de faire ce que l’on doit, ny meſme de connoiſtre ſon devoir. Je penſe pourtant, reprit-elle, que pourveû que vous ne combattiez point ny contre le Roy vôtre Pere, ny contre le mien, vous ne pourrez pas eſtre blâmé. Mais, Madame, répondit-il, je ne voy pas que je le puiſſe faire, qu’en me découvrant au Roy, & qu’en me contentant d’envoyer de ſon conſentement vers le Roy de Phrigie. Il ſeroit difficile, repartit-elle, que le Roy voſtre Pere vous reconnuſt pour ſon Fils ſans vous voir, & vous sçachant touſjours dans le party de ſes Ennemis. De plus adjouſta-t’elle, penſez-vous que le Roy mon Pere peuſt ſe reſoudre à perdre en un meſme jour le Conquerant & les conqueſtes ? & ne croyez-vous pas qu’il y a plus d’aparence qu’il écouteroit la Politique que la generoſité en cette rencontre ? Non pourſuivit-elle, je ne vous conſeilleray pas de cette ſorte : Que me conſeillez vous donc, Madame ? reprit-il ; puis que Timocreon, repliqua la Princeſſe, sçait l’eſtat de voſtre fortune, découvrez-luy encore voſtre affection pour moy : je sçay qu’il eſt ſage & genereux ; & qu’il ne voudroit pas vous conſeiller rien, ny contre le ſervice du Roy ſon Maiſtre, ny contre vous. Enfin apres pluſieurs autres diſcours ſemblables, Cleandre envoya querir mon Pere :