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pourtant, luy repliquay-je, que puis que la Princeſſe Palmis ne pouvoit rien deſirer en vous qu’une naiſſance illuſtre ; vous avez lieu d’eſtre ſatisfait, & d’eſperer d’eſtre heureux. Vous ne ſongez donc pas Soſicle, me dit-il, que dés que le luy declareray que je ſuis Fils de Roy, il faudra que je luy die en meſme temps que je ſuis Fils d’un Prince ennemy du Roy ſon Pere. De plus, ne conſiderez vous point, que Creſus croit que je dois partir dans deux jours au plus tard, pour aller combattre le Roy de Phrigie ? Et comment voulez vous, Soſicle, que j’aille luy aprendre que je ne le puis ny ne le dois ? Apres cela, ne dois-je pas encore aprehender qu’il ne me regarde comme Neveu du meurtrier du Prince ſon Fils ? Et enfin, Soſicle, n’y a t’il pas plus de ſujet de craindre que ce bonheur apparent, ne me cauſe un malheur effectif, que d’eſperer que je ſois à la fin de mes infortunes ? Si je vay aupres du Roy mon Pere que j’ay combatu ; que j’ay vaincu ; & que j’ay penſé tuer de ma propre main ; n’y a t’il pas lieu de croire, qu’il voudra du moins que cette meſme valeur qui luy a eſté ſi fatale, luy redonne ce qu’elle luy a oſté ? Cependant, puis-je ſeulement penſer à combatre mon bien-faicteur ; & ce qui eſt encore plus, le Pere de la Princeſſe Palmis ? Mais auſſi sçachant comme je fais, que je ſuis Fils du Roy de Phrigie, demeureray-je plus long temps dans le Party de Creſus ? & meriterois-je d’eſtre advoüé par le Roy mon Pere, & reconnu par luy pour ſon Fils, ſi je continuois de combattre non ſeulement pour ſes ennemis, mais contre luy ? Touteſfois, Soſicle, je me voy en cette faſcheuse extremité : eh veüillent les Dieux du moins, que ma Princeſſe qui ne m’a pas haï