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de m’éloigner pour quelque temps : & je ne ſuis venu en cette Cour, qu’afin de taſcher d’obtenir la liberté d’un neveu que j’ay : que vous fiſtes priſonnier à la derniere Bataille, & non pas pour porter les armes contre le Roy mon Maiſtre. Cependant, Seigneur, je ne vous vy pas pluſtost aupres du Roy de Lydie, que je remarquay quelque choſe ſur voſtre viſage, qui me remit ſi fort en l’imagination la Reine voſtre Mere, que je ne sçay comment je ne vous reconnus point. Neantmoins la longueur du temps, & le peu d’apparence de la choſe, furent cauſe que je n’y fis aucune reflexion : car j’avois bien oüy dire que vous eſtiez un homme que la Fortune avoit élevé : mais je n’avois pas sçeü particulierement que vous ne sçaviez pas vous meſme qui vous eſtiez. En ſuitte, Seigneur, eſtant allé chez la Princeſſe, j’y ay veu ce meſme Tableau que je fis faire, & que cette Femme müette donna à Timocreon : ce qui m’a ſi extraordinairement ſurpris, que je ne sçay pas trop bien ce que cette Princeſſe penſera de ma converſation ; tant il eſt vray que j’avois l’eſprit diſtrait en l’entretenant.

Au ſortir de chez elle, comme ſi ce jour eſtoit un jour de prodiges, j’ay rencontré un Vieillard qui m’a reconnu, & que je ne le connoiſſois pas d’abord, qui m’a prié qu’il me peuſt parler en particulier, d’une affaire de conſequence. Apres l’avoir regardé attentivement, il m’eſt ſouvenu de l’avoir veu autrefois aupres du Prince Tydée : de ſorte qu’eſtant aſſez ſurpris de le voir à Sardis, je luy ay donné audience. Il m’a donc dit, Seigneur, qu’eſtant ſur le bord de ſon Tombeau, & preſt d’aller rendre conte aux Dieux de tous ſes crimes ; il vouloit taſcher d’en meriter