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Mais enfin, Seigneur, cette Princeſſe devint groſſe, & elle vous donna la vie heureuſement : le Prince Artamas ayant une ſi grande joye de ſe voir un Fils, que l’on n’en peut pas avoir davantage. Il s’épandit alors quelque bruit dans le monde de ſon Mariage, pendant ſes couches : & le Prince Tydée eut deux ou trois démeſlez avec le Prince ſon Frere pour ce ſujet. Car il fit en ſorte que le Roy en entendit parler : qui deffendit ſi abſolument au Prince Artamas de voir Elſimene, qu’il ne le pouvoit plus qu’avec beaucoup de difficulté : parce qu’on l’obſervoit ſi ſoigneusement, qu’il n’eſtoit plus Maiſtre de ſes actions. Cependant, Seigneur, vous viviez : & vous euſtes l’avantage de reſſembler ſi admirablement à la Princeſſe voſtre Mere, que jamais on n’a veu une reſſemblance ſi parfaite, entre deux perſonnes de Sexe different, & d’âge ſi éloigné. Comme le Prince Artamas ne pouvoit donc plus voir Elſimene que tres rarement, il m’ordonna de chercher les voyes de luy en faire avoir le portrait : de ſorte que menant un excellent Peintre au lieu où elle eſtoit alors, elle voulut luy envoyer le Portrait de ſon Fils auſſi bien que le ſien : & comme elle eut dit ſon intention au Peintre, il imagina le deſſein d’un petit Tableau, où il la peignit en Venus, & vous en Amour ; tel que je l’ay veu chez la Princeſſe de Lydie. La choſe plût tellement à la Princeſſe, qu’elle en fit faire deux tous ſemblables, avec intention d’en garder un ; les envoyant touteſfois l’un & l’autre au Prince afin qu’il choiſist. Mais comme il eſtoit touſjours Amant quoy qu’il fuſt Mary ; il fit écrire les Vers que vous avez veus, au deſſous de tous les deux Tableaux : ce qui rendit celuy que je reportay, encore plus cher qu’auparavant,