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luy : cette veuë le troubla eſtrangement : & confondit de telle ſorte dans ſon cœur, la joye, la douleur ; l’amour ; la jalouſie ; l’eſperance ; & la crainte : qu’il ne sçavoit luy meſme ce qu’il ſentoit. Il prononça pourtant le nom de Mandane, en regardant Feraulas : & doublant le pas en luy monſtrant ces Chariots, allons, luy dit-il, allons jouïr de la veuë de noſtre Princeſſe, & troubler du moins la joye de noſtre Rival. Commençant donc d’aller aſſez viſte, il joignit quelques Cavaliers, qui eſtoient demeurez deux cents pas derriere les Chariots & les Troupes : & les reconnoiſſant d’abord pour eſtre Medes ; le Roy d’Aſſirie, leur dit-il, n’eſt il pas aupres de la Princeſſe Mandane ? Nous n’en sçavons rien, Seigneur, reprirent ils, car auſſi toſt apres le combat que nous fiſmes hier contre Abradate, comme il vit qu’au lieu de delivrer la Princeſſe ; il n’avoit fait que prendre la Reine de la Suſiane, il parut tout furieux, & prit une autre route, avec une partie de ſes gens. Quoy, s’eſcria Cyrus, Mandane n’eſt pas dans ces Chariots que je voy ? Non Seigneur, repliquerent ils, & l’on donna advis au Roy d’Aſſirie, qu’elle eſtoit de voſtre coſté : ſi bien que voulant vous aller joindre, & avoir part à ſa delivrance, il prit un ſentier deſtourné que ſes Guides luy enſeignerent : par lequel il devoit aller couper chemin au Roy de Pont, apres avoir paſſé la Riviere à un lieu dont nous avons oublié le nom ; eſperant meſme retrouver peut-eſtre Abradate & vous rejoindre. Mais puis que vous eſtes icy ſans luy, nous ne sçavons plus où il eſt, ny ou eſt la Princeſſe Mandane : y ayant aparence que vous n’en avez pas apris de nouvelles, puis que nous vous revoyons ſans la revoir. Cyrus fut ſi ſurpris & ſi affligé, d’aprendre que Mandane n’étoit