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Peinture, lors que je la luy preſentay ; ne pouvant ſans doute recevoir ſans confuſion le Portrait d’un homme qui l’aimoit, quoy que ce ne fuſt que celuy d’un Enfant ; & d’un Enfant encore repreſenté comme un Dieu. Comme elle ſe connoiſt à toutes les belles choſes, elle admira l’art du Peintre, qui en effet eſt merveilleux : & remarqua meſme que Cleandre conſervoit encore une aſſez grande reſſemblance de ce qu’il avoit eſté. Mais elle fut charmée de la beauté de la Mere, qu’elle loüoit avec moins de ſcrupule que celle du fils : quoy qu’elle ne peuſt loüer l’une ſans loüer l’autre, parce qu’ils ſe reſſembloient parfaitement. Elle trouva l’invention de la Peinture & des Vers jolie : & je remarquay qu’elle regarda la bordure magnifique de ce petit Tableau avec plaiſir ; parce que c’eſtoit une marque comme infaillible, que la naiſſance de Cleandre n’eſtoit pas fort baſſe. Enfin loüant touſjours extrémement le Peintre qui avoit fait cette Peinture, elle me demanda ſi Timocreon ne voudroit pas bien la luy confier pour quelques jours, pour la faire voir à quelques unes de ſes Amies ? Vous pouvez juger, Madame, que je ne luy reſistay pas : & que je ne fus pas long temps ſans advertir Cleandre, que la Princeſſe avoit voulu garder ſon Portrait : mais il me répondit qu’il ſe croiroit bien plus heureux, ſi elle luy avoit donné le ſien : puis que l’un n’eſtoit qu’un ſimple effet de ſa curioſité, & que l’autre en ſeroit un de ſon affection.

Comme les choſes eſtoient en ces termes, l’on eut nouvelles que le Roy de Phrigie ſe preparoit à ſe mettre en campagne : de ſorte que Creſus commanda à Cleandre de ſe preparer auſſi à partir, ce qu’il : fit à l’heure meſme, envoyant auſſi toſt. ſon Train devant : le Roy