Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, quatrième partie, 1654.djvu/133

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me forcez pas à perdre le reſpect : que je dois peut-eſtre à. voſtre ſeule qualité : & ſouvenez-vous que les gens de cœur, ne peuvent ſouffrir les menaces que des Dieux ſeulement. Vous ſouffrirez pourtant, repliqua Arteſilas, celles d’un homme qui les fera peut eſtre ſuivre par des effets qui ne vous plairont pas, ſi vous ne vous corrigez. pourveu que nos Eſpées ſoient égales, repliqua fierement Cleandre, l’inégalité de nos conditions ne m’empeſchera peut-eſtre point de vous en empeſcher. Mais, Seigneur ne prophanez point le Nom de là Princeſſe, en une occaſion où il ne doit pas eſtre meſlé, & ſi vous avez quelque haine ſecrette pour moy, vangez vous genereuſement : & faites moy l’honneur de m’aprendre l’Eſpée à la main, ſi c’eſt la Nature ou la Fortune qui met de la difference entre nous. Vous le sçaurez dans un moment (repliqua Arteſilas, en mettant effectivement l’Eſpée à la main, auſſi bien qu’un Eſcuyer qui le ſuivoit) de ſorte que Cleandre n’ayant auſſi qu’un des ſiens avecques luy, ce combat ſe fit avec égalité pour le nombre, mais avec beaucoup d’inégalité pour le ſuccés. Car Cleandre animé pour ſon amour ; par ſa jalouſie ; & par le reſſentiment des choſes faſcheuses qu’Arteſilas luy venoit de dire ; ſe batit avec tant d’ardeur, que ce Prince quoy que brave, ſe trouva eſtrangement embarraſſé à luy reſister. Comme Cleandre craignoit qu’il ne vinſt du monde pour les ſeparer, il ne ſe ménagea point ; & portant coup ſur coup à ſon ennemy, ſans s’amuſer à parer ; il le preſſa de telle ſorte, qu’il en perdit le jugement, & qu’il ne sçavoit plus prendre ſon temps, ny pour ſe deffendre, ny pour attaquer. Ce n’eſt pas qu’Arteſilas n’euſt du cœur : mais la prodigieuſe