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encore que vous me la pourriez refuſer ſans que j’euſſe ſujet de m’en pleindre.

Les choſes eſtant en ces termes, quoy que la Princeſſe agiſt envers Cleandre avec une retenuë extréme ; neantmoins luy parlant un peu plus ſouvent en particulier qu’à l’ordinaire : & l’amour eſtant d’une nature à ne pouvoir eſtre long temps cachée, principalement entre perſonnes inégales : Arteſilas commença de s’aperçevoir qu’il y avoit quelque changement entre eux : & à quelques jours de là, il ne douta point que du moins Cleandre ne fuſt amoureux delà Princeſſe Palmis, Comme il eſtoit mal traitté, la jalouſie agit dans ſon cœur d’une maniere plus violente ; elle n’éclatta pourtant pas d’abord, parce qu’il voulut auparavant s’éclaircir de ſes ſoupçons. Mais apres avoir obſervé juſques aux regards de Cleandre : ne doutant plus du tout qu’il ne fuſt aſſurément ſon Rival, & craignant meſme qu’il ne fuſt la cauſe des mépris que la Princeſſe avoit pour luy : il commença de ſentir une averſion pour Cleandre, la plus forte qu’il eſtoit poſſible d’avoir : & d’avoir meſme le deſſein. Formé de luy faire un outrage, & de le quereller, à la premiere occaſion qu’il en pourroit trouver. Et ce qui l’y obligeoit encore davantage, eſtoit qu’il sçavoit que Cleandre partiroit bien toſt, pour aller commander l’Armée, & finir la guerre de Phrigie : mais quelque envie qu’il euſt de le quereller, il fut pourtant quelques, jours ſans le pouvoir faire : parce que Cleandre n’alloit gueres que chez le Roy ou chez la Princeſſe, ſi ce n’eſtoit quelquefois chez la Princeſſe de Claſomene. Auſſi, fut-ce au ſortir de chez elle, qu’Arteſilas l’ayant rencontré, l’aborda : & luy adreſſant la parole aſſez froidement ; il y a deſja quelques jours que je