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qu’une verité tres-reſpectueuse ! le ſe, rois bien davantage, reſpondit elle, car je me punirois moy-meſme de voſtre crime, quoy que je n’y euſſe rien contribué. Helas, Madame, repliqua t’il, ſi je ſuis coupable vous me l’avez rendu : mais au nom des Dieux ne me condamnez pas ſi legerement. Vous avez autrefois eu, luy dit il, une ſi forte envie de sçavoir ſi j’aimois, & qui j’aimois ; lors que le Prince Atys vous aprit que je n’avois pas voulu feindre d’aimer Anaxilée ; que je n’ay pas deû croire vous faire un ſi ſensible outrage, de vous dire cette verité une ſeule fois en ma vie. Conſiderez, Madame, que je ne puis eſtre accuſé avec juſtice, que de ce que je viens de vous deſcouvrir : puis que vouloir m’accuſer de ce que je vous aime, ce ſeroit choquer l’equité directement. Car, Madame, peut on me ſoupçonner de ne m’eſtre pas oppoſé à cette paſſion ? & peut on me dire criminel, d’avoir eſté vaincu par une perſonne capable de vaincre toute la Terre ? Il faloit du moins cacher voſtre deffaite, reprit la Princeſſe ; je la cache auſſi à tout le monde, repliqua t’il, sçachant bien que mon malheur eſt ſi grand qu’elle eſt meſme honteuſe à mon illuſtre Vainqueur. Mais pour vous. Madame, j’advoüe que je n’ay pû me reſoudre à ne vous la deſcouvrir jamais : & à me priver du. merite que j’auray à ne vous parler plus de ma paſſion. Car, Madame, ſi vous pouvez obtenir de voſtre bonté de me pardonner ce premier crime, je vous promets de regler ma vie à l’advenir comme il vous plaira : & de renfermer dans mon cœur, toute la violence de mon amour. Faites le donc, luy dit elle, mais de telle ſorte, que pas une de vos actions, de vos paroles