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plus magnifiques Couronnes de l’univers. Cleandre, luy dit la Princeſſe, je penſe que vous ne me connoiſſez pas mieux que vous vous connoiſſez vous meſme : car ſi vous sçaviez encore qui je ſuis, vous ne me parleriez pas comme vous faites. Pardonnez moy Madame, reprit-il, je sçay que vous eſtes Fille d’un Grand Roy ; que vous eſtes la plus belle Princeſſe du monde & la plus vertueuſe : mais je sçay auſſi que je ſuis le plus malheureux homme de la Terre, ſeulement parce que je ſuis le plus amoureux. Si je ne croyois pas, luy dit-elle, que vous avez perdu la raiſon, je vous traiterois bien d’une autre ſorte : Non Madame, dit-il, ne vous y abuſez point : l’amour que j’ay pour vous, m’a laiſſé la raiſon toute entiere : & je connois parfaitement que je ne dois rien eſperer. Auſſi ne vous demanday je rien qu’un peu de compaſſion : encore n’ay-je pas l’audace de vous demander de celle qui fait que l’on aporte quelque remede aux maux que l’on pleint : mais de celle qui les fait ſeulement pleindre ſans les ſoulager. Le Roy mon Pere, luy dit la Princeſſe Palmis en l’interrompant, vous doit tant de choſes, & je vous dois tant moy-meſme, que je ſuis reſoluë de ne m’emporter pas contre vous, autant que raiſonnablement je le devrois faire : c’eſt pourquoy je vous dis avec le moins de colere que je puis, que ſi ce que vous dites n’eſt pas vray, quoy que voſtre hardieſſe merite que je vous defende de me parler jamais, je ne laiſſeray pas d’oublier voſtre crime & de vous le pardonner : mais ſi pour voſtre malheur, il y a de la verité en vos paroles, vous ne ſerez pas traité ſi favorablement. Quoy, Madame, reprit-il, vous me puniriez moins rigoureuſement de vous avoir dit un menſonge inſolent,