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Madame, repliqua-t’il, c’eſt une choſe ſi eſtrange, que je n’oſerois preſques vous la dire : car enfin je ſuis adverty par un des Officiers de la Maiſon du Roy qui l’a entendu, que ce Prince a deſſein (à ce qu’il a dit aujourd’huy en fort grand ſecret à un de ſes plus anciens ſerviteurs) de vous faire épouſer Cleandre : afin, dit-il, d’aider au Prince Myrſile à ſoustenir la peſanteur du Sceptre qu’il doit porter apres ſa mort. Il a témoigné, pourſuivit ce Capitaine des Gardes, craindre extrémement que vous n’y veüilliez pas conſentir, à cauſe que la naiſſance de Cleandre n’eſt pas connuë, & il a meſme adjoûté, que cela le faſchoit fort ; & que de plus, il ne voudroit pas vous y forcer. C’eſt pourquoy. Madame, jugeant que vous pouvez empeſcher un ſi grand malheur, par une reſistance courageuſe : je ſuis venu en diligence, vous dire tout ce que je sçay de cét eſtrange deſſein ; car connoiſſant voſtre Grand cœur comme je le connoy, j’ay bien creu que vous ne voudriez pas conſentir à une choſe qui vous ſeroit ſi honteuſe. La Princeſſe Palmis extrémement ſurprise du diſcours de cét homme, & ne sçachant ce qu’elle en devoit penſer, le remercia de ſon zele, & luy dit qu’elle l’en recompenſeroit : mais qu’elle le conjuroit touteſfois de deux choſes : l’une de ne parler à qui que ce fuſt, de ce qu’il venoit de luy dire : & l’autre de n’accouſtumer point ceux qui eſtoient ſous ſa Charge, à vouloir penetrer dans les ſecrets du Roy, & moins encore à les découvrir. Que cependant il pouvoit croire qu’elle agiroit en cette rencontre, comme la raiſon & la vertu vouloient qu’elle agiſt. Mais admirez, Madame, le caprice de l’amour, meſme dans l’eſprit des plus ſages perſonnes : la Princeſſe