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comme Creſus vit que la Fortune luy eſtoit favorable, il ne voulut pas en demeurer là : & durant que le Roy de Phrigie eſtoit occupé avec le Roy de Pont ; il entra au commencement du Printemps dans les Eſtats de ce Prince, juſtement apres que ces deux Rois eurent perdu deux Batailles en un meſme jour. De ſorte que le Roy de Phrigie avec le débris de ſes Troupes, fut contraint de revenir pour deffendre ſon propre Royaume, & d’abandonner celuy de ſon Allié. Comme ce Prince eſt brave, Creſus trouva beaucoup plus de reſistance, qu’il n’avoit fait juſques alors : & la valeur de Cleandre trouva ſans doute dequoy s’occuper encore plus glorieuſement. Comme la Phrigie n’eſt pas fort nombreuſe en Villes, preſques toute cette guerre ſe paſſa en Batailles & en rencontres : mais elles furent ſi frequentes, & ſi glorieuſes pour Cleandre, que Creſus ne pouvoit ſe laſſer d’admirer combien il eſtoit obligée à Menecée & à mon Pere, de luy avoir donné un homme d’un courage ſi heroïque. En diverſes occaſions, le Roy de Phrigie combatit en perſonne contre Cleandre, qui penſa le tuer une fois : mais comme il avoit deſja le bras levé, un ſentiment dont il ne pût eſtre le Maiſtre, le fit changer d’avis : & deſtournant le coup ſur un autre qui touchoit le Roy de Phrigie, il le tua d’un revers, diſant en luy meſme, peut eſtre que je ſuis nay Subjet de ce Prince. Enfin, Madame, apres avoir contraint le Roy de Phrigie de ſe retirer dans Apamée ; & la ſaison commençant d’eſtre fort faſcheuse ; Cleandre apres avoir mis ſes Troupes en leurs Quartiers d’Hyver, s’en retourna à Sardis : où il y avoit plus d’un an qu’il n’avoit eſté. Bien eſt il vray que la Renommée avoit parlé ſi avantageuſement