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de m’aprendre par quel crime j’ay merité ce malheur. Cleandre a tant d’eſprit (repliqu’a t’elle en ſous-riant à demy, quoy que ce ne peuſt eſtre ſans rougir) que s’il avoit fait un crime, il l’auroit ſans doute voulu faire : & par conſequent il ne ſeroit pas aiſe qu’il s’en repentiſt ? ny meſme gueres neceſſaire de l’en accuſer : puis qu’infailliblement il s’en accuſeroit le premier. Mais, adjouſta t’elle avec un viſage plus ſerieux, je n’ay point sçeu que vous m’ayez rendu de mauvais offices : & ſi vous remarquez quelque changement en mon humeur, c’eſt que depuis la mort du Prince mon Frere, je ne me ſuis plus trouvée avec la meſme diſposition à la joye, que j’avois auparavant. Madame répondit Cleandre, mon malheur a precedé celuy de cét infortuné Prince ; c’eſt donc peut-eſtre, répliqua t’elle, que j’ay un défaut plus que je ne penſois : & qu’à tant d’autres que j’ay, on peut encore joindre celuy d’eſtre d’humeur inégale. Me preſervent les Dieux, interrompit-il, d’accuſer la plus accomplie Princeſſe du monde, de la plus petite imperfection : non, Madame, vous ne m’entendez pas, ou vous ne voulez pas m’entendre. Car enfin je ne vous accuſe point : mais ſi vous me croyez coupable, je vous conjure de m’accuſer, afin que je me corrige, & que je vous demande pardon. En verité Cleandre, reprit-elle, je ne penſe pas qu’il y ait jamais eu perſonne que vous, qui ait voulu paroiſtre criminel, avec tant d’empreſſement : mais sçachez, je vous prie, une choſe, pour vous obliger à me laiſſer en repos, & à vous y mettre : qui eſt, que ce que je ne dis point la premiere fois qu’on me le demande, on me le demande apres inutilement ; parce que je ne le dis jamais. De ſorte Madame,