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des intereſſez, & n’y prenoient de part qu’à cauſe de la Princeſſe Palmis, qu’ils aimoient beaucoup. Mais le plus faſcheux eſtoit pour Cleandre, que l’on diſoit tout haut que le Mariage d’Adraſte ſe feroit bien toſt. Cependant quatre ou cinq jours apres les nopces d’Anaxilée, les Miſiens envoyerent advertir Creſus, que l’on voyoit en leur païs, aux environs du Mont Olimpe, un Sanglier d’une grandeur, extraordinaire & prodigieuſe ; qui gaſtoit tous les bleds, & qui deſoloit toute la campagne : ſupliant le Roy de vouloir envoyer quelques gens courageux avec tout ſon equipage de chaſſe, pour les delivrer de ce terrible Animal, qui paſſoit pluſtost pour un Monſtre que pour un Sanglier. Creſus leur dit qu’il leur accordoit ce qu’ils ſouhaitoient : mais comme il parloit à ces Deputez, le Prince Atys qui sçavoit la choſe, arriva ſuivi d’Adraſte, d’Arteſilas, d’Abradate, de Cleandre, & de beaucoup d’autres : qui dit au Roy ſon Pere qu’il vouloit eſtre de cette chaſſe. Creſus qui avoit toujours dans l’eſprit la meſme crainte qu’il avoit euë, s’oppoſa à ce deſſein avec beaucoup d’opiniaſtreté : Mais comme le Prince ne pouvoit ſouffrir de paſſer dans l’eſprit de tous les Peuples pour un Prince qui ne s’expoſoit jamais à aucun peril ; il s’obſtina d’y vouloir aller. Neantmoins il ne l’auroit pas emporté, s’il ne ſe fuſt adviſé de repreſenter à Creſus, une choſe qui le convainquit. Vous dites Seigneur, luy dit il, que je ſuis menacé d’un coup de Dard : mais je ne vay pas en lieu où l’on en doive lancer contre moy. Si l’on vous avoit prédit, adjoûta t’il, que je dois eſtre déchiré par une Beſte ſauvage, vous auriez raiſon de m’empeſcher