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piquer trop de bel esprit, elle ne laissa pas de tesmoigner, qu’elle en avoit infiniment. Leur Chariot estant racommodé, nous partismes : je montay à cheval, & fus tousjours à la portiere où estoit Amestris : & tant que le chemin dura, je continuay de faire, ce que j’avois fait de puis le premier instant que je l’avois veuë : c’est à dire, la regarder & l’admirer, avec tant de plaisir, & tant de satisfaction ; que moy qui avois tousjours entendu dire que l’amour n’estoit jamais sans inquietude, ne soubçonnay point d’en avoir. Je sentis bien que mes yeux, mon cœur, & toutes mes pensées estoient pour Amestris : Mais je me trouvois si content, & si tranquile ; que je croyois n’avoir pour cette belle Personne, que de cette espece d’amour, que l’on a pour tous les beaux objets. Je m’apercevois que je n’avois jamais eu tant d’attachement ny tant d’admiration pour nulle autre chose : Mais comme je sçavois que je n’avois aussi jamais rien veû de si beau, je ne m’en estonnois pas : & je joüissois en repos du plaisir de la voir ; de l’honneur d’estre aupres d’elle ; & de la joye de l’entendre parler. Nous fismes donc de cette façon tout le chemin qu’il y avoit à faire, du lieu d’où nous partions jusques à Ecbatane : & pendant cét intervale, j’instruisois Amestris de tous les divertissemens de la Cour : & elle s’informoit avec adresse, quelles estoient celles qui avoient l’empire de la beauté ; qu’elles avoient la reputation d’avoir le plus d’esprit ; & par cent questions de cette sorte, qu’Artambare, Hermaniste, ou Amestris me firent ; elle connut la Cour, avant mesme que d’y estre. Mais enfin nous arrivasmes à Ecbatane : & nous fusmes descendre à l’ancien Palais d’Artambare, qui est un