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fit aussi la mesme chose. Pour moy, qui avois esté plus heureux, je me trouvay en estat de servir les autres : le Roy vint voir Artamene dés le mesme soir : & ne pouvant se lasser de le loüer, ny de se resjoüir de le voir échapé d’une occasion si dangereuse ; il luy donna sans doute toutes les marques d’une affection tres tendre & tres reconnoissante. Il envoya à l’instant mesme advertir la Princesse sa fille, & du gain de la Bataille, & de la conservation d’Artamene : & mon Maistre, comme vous pouvez croire, reçeut l’honneur que luy fit le Roy, avec beaucoup de joye & beaucoup de respect. Cependant Philidaspe & Artamene estant demeurez amis en apparence, ne l’estoient pas en effet : & il est aisé de juger, que cette derniere advanture, avoit encore aigry leur esprit. Elle avoit pourtant produit un assez bizarre sentiment dans leur ame : car Seigneur, pour ne vous déguiser plus la chose, Philidaspe que mon Maistre ne croyoit estre qu’un ambitieux, avoit autant d’amour que luy pour la Princesse. C’est pourquoy il avoit attaqué si ardemment le Roy de Pont : le regardant bien plus comme Amant de Mandane, que comme ennemy de Ciaxare. Il tira toutefois quelque repos de cét accident : car voyant avec quelle generosité Artamene avoit conservé la vie du Roy de Pont, il s’imagina qu’il ne devoit pas soubçonner mon Maistre d’estre son Rival : luy semblant qu’il estoit impossible d’estre rival & genereux tout ensemble, en une pareille occasion. Pour Artamene il n’en alla pas ainsi : au contraire, il n’avoit jamais eu un si fort soubçon, de l’amour de Philidaspe pour la Princesse, comme il en eut ce jour là. Comment est-il possible (nous dit il le soir, apres que Ciaxare fut sorty de sa