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de prendre quelque ſoin d’une choſe, qui ne peut jamais eſtre plus avantageuſement expoſée, que pour le ſervice du Roy : Mais Madame, ne craignez rien pour moy en ce combat : & pleignez moy pluſtost, d’avoir un ſi foible ennemy. Il n’a pas tenu à Philidaſpe, dit alors Aribée à la Princeſſe, qu’Artamene ne ſe ſoit pas expoſé à ce danger ; puis qu’il a fait tout ce qu’il a pû pour l’en exempter, & pour pouvoir combattre au lieu de luy. Il eſt vray Madame, pourſuivit Philidaſpe, que j’avois eu la hardieſſe d’en ſupplier le Roy ; mais il ne m’en a pas jugé digne. Ce n’eſt pas par cette raiſon, reſpondit Ciaxare ; mais c’eſt parce qu’il n’euſt pas eſté juſte. Et c’eſt auſſi, adjouſta mon Maiſtre, parce qu’Artamene ne l’euſt pû ſouffrir : & qu’il n’a guere accouſtumé de ceder ſa place à un autre. Le Roy qui eut peur que ces deux braves Eſtrangers ne s’aigriſſent tout de nouveau, changea de diſcours : & apres avoir encore eſté quelque temps chez la Princeſſe il la quitta ; & emmena avec luy, tous ceux qui l’avoient ſuivy chez Mandane. Cependant comme l’Amour n’abandonnoit point Artamene ; qu’il ne voyoit jamais la Princeſſe, qu’il n’en remarquaſt toutes les actions, avec une exactitude eſtrange ; & qu’il ne s’en entretinſt avec Feraulas ou avec moy ; il nous demanda quand il fut retiré dans ſa Chambre, ce que nous penſions de cette rougeur, qui avoit paru ſur le viſage de Mandane, lors qu’elle avoit parlé de luy, & de l’averſion qu’elle avoit pour les combats ? Eſt-ce, nous diſoit-il, un ſimple effet de cette humeur douce & tranquile, qui luy fait avoir de la repugnance pour la guerre & pour le ſang ? ou ne ſeroit-ce point que le ſervice que j’ay rendu au Roy ſon Pere, euſt inſensiblement engagé ſon eſprit,