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de quelque chose, que vous ne pouviez pas sçavoir, dans un âge si peu avancé que le vostre : mais aujourd’huy que je vous voy mener une vie si differente & si esloignée de celle que vous meniez autrefois ; je ne puis que je ne vous en demande la cause. Ne m’avez vous pas dit assez souvent, me respondit il, que les occupations des Enfans, ne devoient plus estre celles des hommes ? Je vous l’ay dit Seigneur, luy dis-je : mais il y a bien de la difference, entre ne faire plus ce que font les Enfans, & ne faire rien du tout. Il est vray Chrisante, me respondit le Prince, que si je ne faisois tousjours, que ce que je fais presentement, je serois indigne de vivre : mais le malheur de ma condition, veut que j’aye besoin de cét intervale, pour chercher les voyes de changer de vie. Quoy Seigneur, luy dis-je, vous parlez du malheur de vostre condition, comme si vous n’estiez pas nay Fils d’un Grand Roy, & d’une Grande peine, que la Fortune favorise de telle sorte, qu’ils sont adorez de tous leurs Subjets, & respectez de tous leurs Voisins. Vous, dis-je, qui pouvez prevoir sans crime, que vous serez un jour possesseur d’un grand Royaume, où la Paix est si solidement establie, que rien ne l’en sçauroit bannir. Vous, dis-je, enfin, que les Dieux ont fait naistre, avec tant de rares qualitez ; Vous de qui l’esprit est grand ; de qui l’ame est genereuse ; de qui les inclinations sont nobles ; de qui la santé & la vigeur sont incomparables ; & de qui l’adresse du corps, secondant les genereux mouvemens du cœur, peut vous faire executer facilement, les actions les plus Heroïques. Quand je serois tout ce que vous venez de dire, me respondit brusquement Cyrus,