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de trouver le bonheur pour soi, à plus forte raison quand il faut le chercher pour deux, pour trois, pour quatre… et indéfiniment… car, qui sait le nombre d’enfans dont on est menacé en mariage ?… Qui peut le prévoir ? »… Ce n’est pas moi assurément ; il n’y a rien à répondre à cela. (Lisant.) « Artiste, homme de lettres, savant, ta vie t’appartenait : elle ne t’appartiendra plus ; en perdant ton indépendance, tu perdras ton talent ; il sera absorbé, étouffé, anéanti par les détails et les tracas du ménage… et comment écouter l’inspiration du génie, quand la voix d’une femme en colère, quand les cris de vos enfans au berceau vous poursuivent jusque dans le silence du cabinet. ? » C’est, ma foi, vrai, et je n’y avais jamais pensé. (Il se lève avec agitation.) Des enfans !… cela doit crier, depuis leur naissance, depuis le berceau ; et quand ils sont malades, quand ils font des dents… (Se promenant vivement.) Effroyable ! effroyable à imaginer ! et cette idée-là seule me donne mal à la tête. (Parcourant le cahier) « La coquetterie, les assemblées, les bals. Tu mèneras ta femme au bal, ou tu passeras pour un mauvais mari. » C’est vrai. « Et si tu l’y conduis, tu ne dormiras pas. » C’est vrai. « Et si tu la fais conduire par d’autres, tu dormiras encore moins, la jalousie troublera ton sommeil… » C’est vrai, très vrai. Le mariage est donc une insomnie, un cauchemar perpétuel !… et moi qui ne me marie que pour finir mon grand ouvrage. Travaillez donc quand on n’a pas dormi ! (Il jette le cahier sur le guéridon à droite.) Quel bonheur qu’il soit encore temps. Car enfin si je