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MARGUERITE.

Quand je te le disais ! Monseigneur lui-même était de bonne foi quand il m’a juré ici ce matin… de l’oublier… et il n’a pas pu !…

MANON.

Le pauvre garçon !

MARGUERITE.

Tu le plains ! Tu vois bien !… tu es perdue si tu le revois… il n’y a qu’un moyen de salut.

MANON.

Lequel ?

MARGUERITE.

Je suis si heureuse, qu’il faut bien que tu partages mon bonheur ! Madame la marquise possède bien loin de France, à la Louisiane, des terres, des forêts immenses, exploitation importante, qui demande un homme honnête et laborieux… elle a pensé à Gervais, dont je lui avais si souvent parlé ; elle lui a écrit, il y a quelques jours, au Havre, de s’embarquer à l’instant sur le Jean-Bart, un vaisseau qui était en partance, et j’irai, dès demain, le rejoindre pour partager ses fatigues, ses travaux… pour l’épouser ! Tu comprends bien alors que je ne peux garder ici ni mes pratiques, ni mon état, je te cède tout cela !

MANON.

A moi !

MARGUERITE.

Un bel et bon état, une fortune assurée ! avec du travail, de l’ordre, de l’économie ; pas de fausse honte, mets-toi à l’ouvrage : Aide-toi, le ciel t’aidera ! Madame la marquise, à qui j’ai tout raconté, te prend sous sa protection, et force son fils à donner à Desgrieux son congé… tu l’épouseras, et dès lors tu n’as plus rien à craindre, rien à faire, qu’à vivre en honnête femme.