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destruction et un massacre réguliers, qui anéantissaient progressivement, semblables à une marée de mort, montant toujours, inexorable et inéluctable. Les hommes qui ordonnaient, fiers de leur œuvre, contemplaient l’action avec des figures rigides, figées d’idéal.

Au détour d’une rue noire, les sabots clapotants des chevaux rencontrèrent une barrière de cadavres sans tête, un amoncellement de troncs. La batterie de tubes d’acier s’arrêta dans la chair ; au-dessus des bras confusément crispés se dressait une forêt de doigts indiquant tous les points de l’espace, levés vers le ciel comme les pointes colorées d’une révolte de l’avenir.

Arrêtant les pièces de guillotine, les chevaux refusaient en hennissant de monter à l’assaut, fumaient des naseaux, et écrasaient sous les fers de leurs pieds des remous d’entrailles vertes. Parmi la viande pantelante, entre les ramures des mains inanimées, désespérément roidies, il y avait des sanglots de sang qui coulait.

Les prêtres du massacre montèrent sur la barricade humaine, où leurs pieds enfoncèrent, prirent les chevaux par la figure, les traînèrent par la bride, tandis qu’ils renâclaient, et contraignirent les roues à passer sur les membres épars dont les os craquaient.

Et debout dans leur boucherie, la face éclairée par l’Idée du dedans et par l’Incendie du dehors, les