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côté, puis de l’autre, comme une chardonnerette.

« Papa aussi est très gentil. Peut-être qu’il est très méchant. Peut-être qu’il est Assassin, comme toi. Des fois il sort toute la nuit. Il a un hangar plein de choses drôles. Des choses très drôles. Tu verras, je te montrerai. Nous irons, pas ? Oui, oui, oui. » Elle ne disait plus « oui » ; c’était un petit cri d’oiseau, tendre et aigu, i, i, qu’elle prolongeait en chantant.

L’Assassin semblait égayé. Ils arrivèrent devant la grosse porte du magasin abandonné. Louisette tira sous sa robe une forte clef. L’odeur qui les enveloppa était celle des choses renfermées, mêlée au parfum de la paille. Il y avait, au-dessus du chambranle, une grande lucarne ronde, et la lune mettait sur le mur du fond une tache livide qui éclairait faiblement un tas de poutres carrées et rouges.

L’Assassin choqua du pied un immense seau de zinc qui sonna creux, plaintivement.

« N’est-ce pas, on est tranquille ici, dit-elle, mon vilain monstre endimanché ? »

Il ne répondit pas.

Quelques voitures passaient ; et à chaque roulement un grand angle d’ombre parcourait la tache pâle de la lune. Il y avait des miroitements de métal dans la masse des boiseries sanglantes. On entendait le grignotement de souris invisibles, un petit frisson parmi les brins de paille, et après chaque bruit de la rue le martèlement rythmé des horloges-de-mort dans le mur.