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flexible tout autour, ceux-ci, deux gerbes sous les bras, deux autres dans chaque main, les entassaient sur le sol moissonné ; ceux-là les emportaient à mesure vers l’aire à battre sur des chariots faits d’une poutre longue, montée sur quatre roues, et de deux fourches de bois, en avant et en arrière, qui retenaient les gerbes. Les bœufs placides traînaient les tombereaux d’un pas lent et monotone, battant leurs flancs mouillés de leur queue à longs poils, et secouant parfois impatiemment le joug, pour chasser les mouches, tandis qu’ils soufflaient de la vapeur par leurs naseaux. Les essieux criaient, les hommes chantaient, les filles riaient quand les jeunes gens, en passant, leur chatouillaient les côtes. Le chaume dressait dans l’air chaud ses tronçons mutilés, coiffés souvent de têtes de pavots, abattues avec les épis par la faucille ; la terre des sillons, longtemps cachée par le blé, apparaissait, un peu humide dans les creux, couverte d’insectes et de chenilles. Les sauterelles partaient devant les pieds, avec un strident bruissement d’ailes ; les cailles désertaient le champ fauché, avec les perdreaux et les alouettes ; et, s’abattant parmi les champs d’alentour, elles poussaient des piaillements assourdissants, tandis que les pies, qui s’envolaient lourdement de cime en cime, regardaient avec curiosité les moissonneurs, en caquetant.

Puis le midi endormait le travail sous sa pesante chaleur ; les enfants, accrochés à la « castula » de leurs mères, s’assoupissaient le long des haies, la