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Bientôt, avec des gestes calmes, ils invitèrent la vendeuse d’ambre à couvrir sa corbeille, se groupèrent autour du foyer et firent mine de tenir conseil. Le vieux discourait en paroles pressées ; il s’adressait au fils aîné, qui clignait très rapidement des paupières. C’était le seul signe d’intelligence du langage ; le morne voisinage des bêtes aquatiques avait fixé les muscles de leurs figures dans une placidité bestiale.

Il y avait au bout de la chambre de branches un espace libre : deux poutres mieux équarries que le reste du plancher. On fit signe à la vendeuse d’ambre qu’elle pourrait s’y coucher après qu’elle eut grignoté une moitié de poisson sec. Près de là un filet simple, en poche, devait servir à capter la nuit, sous l’habitation, les poissons qui suivaient le courant très faible du lac. Mais il semblait qu’on n’en ferait pas usage. Le panier plein d’ambre fut placé de leurs bras rassurants à la tête de la dormeuse, en dehors de deux planches où elle s’était étendue. Puis, après quelques grognements, le copeau résineux fut éteint. On entendait couler l’eau entre les pilotis. Le courant frappait les perches de battements liquides. Le vieux dit quelques phrases interrogatives, avec une certaine inquiétude ; les deux fils répondirent par un assentiment, le second, toutefois, non sans quelque hésitation. Le silence s’établit tout à fait parmi les bruits de l’eau.

Tout à coup, il y eut une courte lutte au bout de