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des filets dont les poids étaient des pierres polies et trouées, happaient le poisson en croquant parfois le fretin cru. D’autres, patiemment accroupis devant un cadre de bois, lançaient de leur main gauche à leur main droite un silex évasé, en forme d’olive, avec deux rainures longitudinales, et qui entraînait un fil hérissé de brindilles. Ils serraient avec leurs genoux deux montants qui glissaient sur le cadre ; ainsi naissait dans un mouvement alternatif une trame où les brins se croisaient à distance. On ne voyait pas là d’ouvriers en pierres, qui les éclataient avec des curettes de bois durci, ni de polisseurs à la meule plate, où il y a une dépression centrale pour la paume de la main, ni d’habiles emmancheurs qui voyageaient de pays en pays, avec des cornes de cerfs perforées, pour y fixer solidement au moyen de lanières en peau de renne de jolies haches de basalte et d’élégantes lames de jade ou de serpentine venues de la contrée où le soleil se lève. Il n’y avait pas de femmes adroites à enfiler des dents blanches de bêtes, et des grains de marbre poli, pour en faire des colliers et des bracelets, ni d’artisanes au burin tranchant, qui gravaient des lignes courbes sur les omoplates et sculptaient des bâtons de commandement.

Les gens qui vivaient sur ces pilotis étaient une population pauvre, éloignée des terrains qui engendrent de bons métiers, dépourvue d’outils et de bijoux. Ils se procuraient ceux qu’ils voulaient en les échangeant contre du poisson sec avec les marchands