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ce qui réveilla les trois sœurs en sursaut.

« Elles aperçurent alors devant elles une petite vieille ratatinée, toute ridée, toute cassée, qui trottinait en sautillant, appuyée sur une canne à béquille. Elle portait un panier couvert d’une toile blanche. — ‹ Princesses, dit-elle d’une voix chevrotante, je suis venue pour vous faire un cadeau. Voici trois œufs entièrement semblables ; ils contiennent le bonheur qui vous est réservé dans votre vie ; chacun d’eux en renferme une égale quantité ; le difficile, c’est de le tirer de là. ›

« Disant ces mots, elle découvrit son panier, et les trois princesses virent en se penchant trois grands œufs d’une blancheur immaculée, reposant sur un lit de foin parfumé. Quand elles relevèrent la tête, la vieille avait disparu.

« Elles n’étaient pas fort surprises ; car l’Inde est un pays de sortilèges. Chacune prit donc son œuf et s’en revint au palais en le portant soigneusement dans le pan relevé de son voile, rêvant à ce qu’il en fallait faire.

« La première s’en alla droit à la cuisine, où elle prit une casserole d’argent. ‹ Car, se disait-elle, je ne puis rien faire de mieux que de manger mon œuf. Il doit être excellent. › Elle le prépara donc suivant une recette indoue et le savoura au fond de son appartement. Ce moment fut exquis ; elle n’avait rien goûté d’aussi divinement bon ; jamais elle ne l’oublia.

« La seconde prit dans ses cheveux une longue épingle d’or dont elle perça deux petits trous aux deux